Refuser ce nouvel "opium des peuples" ne signifie cependant
pas pour autant qu'il faille rejeter les enseignements tirés de
l'analyse transversale et longitudinale des principaux indicateurs économiques
et sociaux disponibles à l'échelle mondiale, même si
l'on doit demeurer parfaitement conscient de leurs faiblesses et des implicites
idéologiques qu'ils véhiculent. Le véritable débat
doit alors se recentrer sur les droits fondamentaux des êtres
humains et des peuples, c'est-à-dire sur l'examen du respect
ou du non-respect des principes inscrits dans la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme de 1948.
Si l'accaparation des richesses et des ressources par une minorité empêche la majorité de bénéficier de ces droits fondamentaux, alors on n'a plus à parler de "retard" mais d'injustice et d'iniquité. Au sens kantien du terme, on pourrait même parler d'immoralité puisque, selon Kant, est immoral ce qui ne peut être érigé en règle universelle de la nature ou de la société. Or, si l'on arrive à démontrer que les comportements économiques et sociaux du milliard d'humains résidant dans les pays les plus riches ne peuvent être transposé à l'échelle des 6 milliards d'hommes qui peuplent la Terre, alors il faut bien conclure que la situation actuelle ne peut et ne doit pas durer.
Se limiter à une condamnation éthique des inégalités actuelles serait cependant une erreur car on se placerait ce faisant dans le débat piègé de la lutte éternelle entre les principes de la liberté et de l'égalité qui recèlent chacun des apports essentiels à l'histoire de l'humanité mais qui, pris de façon isolés, aboutissent à des contradictions insupportables. Comme le suggère J. Attali dans son dernier ouvrage (Fraternités), seule le principe de fraternité permet de dépasser ces contradictions et de proposer des utopies réalistes pour le XXIe siècle. Ce qu'il faut pouvoir démontrer c'est non seulement que le fonctionnement actuel du Monde ne peut se perpétuer à l'identique mais aussi qu'un autre monde est possible. Or, ceci n'est possible que si l'on est en mesure d'analyser de la façon la plus précise et la plus objective l'état du monde actuel, afin d'y déceler les germes d'autres avenirs. En d'autres termes, le sentiment de révolte face aux inégalités actuelles ne doit pas conduire le citoyen du Monde à renoncer à une réflexion rationnelle et objective sur les causes et les conséquences de la situation présenteet, moins que jamais, il ne faut abandonner le terrain de la pensée rationnelle aux partisans de l'exploitation de l'homme par l'homme.
Même si l'on n'ignore pas que les grilles de lecture actuelles (maillage des Etats, statitiques utilisant des catégories discutables) sont piègées, il ne faut pas hésiter à les employer pour les subvertir et montrer qu'on peut leur faire dire autre chose que le discours dominant sur la "transition"et les "retards". A cet égard, les travaux des Nations-Unies et notamment les rapports successifs sur le développement humain rédigés depuis 1990 constituent un élément particulièrement utile de remise en cause des cadres de pensée imposés par la pensée économique libérale. Même s'ils ne sont pas exempts de critique, des indicateurs tels que l'IDH, l'ISDH, l'IPH ou l'IPF ont permis d'amorcer un processus de renouveau critique de la lecture des inégalités mondiales qui mérite d'être connu et diffusé. Quelques années auparavant déjà, l'analyse des différences entre PNB et PIB en p.p.a. avait permis de renouveler en profondeur la perception des différentiels de richesse à l'échelle mondiale.
Il faut cependant s'efforcer d'aller encore plus loin
car, d'une certaine manière, les nouveaux indicateurs mis au point
par les Nations-Unies (PIB p.p.a., IDH, etc.) demeurent encore largement
tributaires d'une pensée unidimensionnelle du développement
humain , d'inspiration principalement économique. On s'efforcera
donc d'esquisser le cadre d'une pensée multidimensionnelle du développement
humain qui intègre la dimension économique à sa juste
place, mais en montrant autant que faire se peut les interactions multiples
qu'elle entretient avec d'autres facteurs démographiques, sociaux,
géographiques,...
Définitions du PIB et du PNB
Dans une optique de production, le produit intérieur d'un Etat est égal à la somme des valeurs ajoutées des différentes entreprises agissant sur le territoire national. Il peut être calculé de différentes manières (brut ou net, aux prix du marché ou au coût des facteurs) ce qui implique de bien préciser la définition adoptée. Ainsi, on peut relever des écarts de 20% entre un produit intérieur net au coût des facteurs et un produit intérieur brut aux prix du marché. A la différence du produit intérieur, le produit national tient compte du solde des opérations courantes avec le reste du Monde (revenus des investissement, du travail, envois de fonds des travailleurs émigrés, pensions, etc.). Le produit national net correspond au revenu national disponible, utilisable par la consommation finale ou l'épargne nette nationale.
En théorie, il existe différentes manières de calculer le produit intérieur, soit en adoptant une optique de production, soit en adoptant une optique de consommation. Les deux modes de calcul (production et consommation) devraient théoriquement aboutir aux mêmes résultats, aux erreurs statistique près, et devrait permettre une lecture non seulement de la création des richesses (production) mais aussi de sa répartition et de son utilisation par les différents acteurs de la société (consommation). Un accroissement du produit peut ainsi se traduire par une baisse de la consommation privée et/ou de la consommation publique (dépenses de l'Etat).
Problèmes techniques de comparaison
Avant d'aborder ces différentes questions de fonds, on ne doit pas perdre de vue le fait que le PIB est exprimé en dollars et subit de ce fait toute une série de perturbations liées aux fluctuations des taux de change. Ses fluctuations ne dépendent en effet pas uniquement de la valeur intrinsèque des appareils de production nationaux, surtout depuis la décision prise par les Etats-Unis en 1971 de renoncer à la libre convertibilité du dollar en or. Les politiques de change de la réserve fédérale américaine peuvent brutalement augmenter ou réduire la valeur apparente du PIB de l'ensemble des Etats du mond. L'introduction de mesures de PIB en parité de pouvoir d'achat constitue de ce point de vue une amélioration indéniable puisqu'elle tient compte de la valeur des monnaies nationales à l'intérieur de leur propre marché. Mais l'établissement de telles parité suppose l'établissement d'un panier de bien et de services le plus vaste possible qui serviront de valeur de référence et permettra l'existence de taux de change corrigés. Or, il est particulièrement difficile de définir un tel panier à l'échelle mondiale, les besoins et les demandes de consommation n'étant pas les même d'une partie du monde à l'autre. Comme le rappelle ironiquement C. Vandernotten : "Quel serait l'intérêt de calculer le taux de change en p.p.a. sur la base du prix du manteau de fourrure et du prix du manioc au Canada et au Zaïre ?".
Malgré les efforts des statisticiens internationaux, les conversions des PIB en p.p.a. demeurent largement incertaines et les chiffres apparaissent souvent franchement douteux. Ainsi C. Vandermotten rappelle que, d'après les chiffres de la banque mondiale, le PIB p.p.a. de la Pologne correspondanit à 67% de celui de la Roumanie en 1990 et à 177% en 1992 !.
Problèmes théoriques et méthodologiques
L'utilisation du PIB par habitant pour mesurer le développement économique comparé des Etats du monde pose de nombreux problèmes, surtout lorsque l'on veut voir dans cet indicateur une mesure plus globale de développement social. On doit tout d'abord rappeler que, fondé sur la comptabilité nationale, le PIB exclue de son champ d'investigation la totalité du travail domestique, soit en particulier l'essentiel du travail accompli par les femmes dans le monde.
A titre d'exemple, C. Vandermotten cite une enquête du conseil de l'Europe effectuée en Suède sur le nombre d'heures de travail dans les différentes sphères professionnelles et domestiques en 1991. Cette enquête conclue que la durée du travail domestique non rémunéré (cuisine, ménage, courses, lessive, soins, ...) est au moins égale à celle du travail professionnel. Dans une société pourtant égalitaire en ce qui concerne les relations entre les sexes, les hommes effectuent 60% du travail rémunéré et 38 % du travail non rémunéré. Ils effectuent donc à peu près le même nombre d'heures par semaine que les femmes mais dans des sphères bien différentes. En réalité, les gains de productivité (dans la sphère professionnelle) correspondent le plus souvent à un transfert du travail vers la sphère domestique (non rémunérée). Ceci n'est pas nouveau (workhouse au XVIIIe-XIXe) mais demeure évidemment d'actualité dans les pays industrialisés (Cf. effet du téléphone portable et de l'ordinateur sur la productivité des cadres, désormais condamnés à effectuer des temps de travail beaucoup plus lourds mais non rémunérés) comme dans les pays en développement (Cf. travaux des femmes africaines sur le lopin familial tandis que les hommes assurent les cultures marchandes, seules comptabilisées dans le PIB).
L'économie d'autosubsistance et l'économie informelle correspondent à deux autres lacunes majeure des systèmes de comptabilité nationaux. Dans le premier cas, la croissance apparente du PIB des Etats ne fait que traduire une monétarisation croissante de l'économie, sans reposer sur des modifications véritables de la production matérielle : une meilleure prise en compte de l'économie d'autosubsistance par la comptabilité nationale suffit ainsi à produire des variations considérables en quelques années. Le cas de l'économie informelle est tout aussi significatif et touche à des degrés divers l'ensemble des économies mondiales (pays industrialisés, pays en développement) mais peut prendre des formes spécifiques selon les contextes (pays socialistes avant 1989, pays américains et asiatiques producteurs de drogues, Italie des années 1960-1980, etc.).
On notera que de nombreuses interférences lient les différents facteurs (travail des femmes, économie domestique, économie d'autosubsistance, économie informelle) ce qui rend difficile toute évaluation précise et tout redressement des comptabilités nationales sur la base par exemple d'enquêtes.
On ajoutera, c'est une banalité, que la division
du PIB par le nombre d'habitant repose sur la fiction politique d'une répartition
égalitaire du produit national qui n'a évidemment aucune
réalité : inégalités régionales et
inégalités sociales introduisent des correctifs majeurs
qui limitent l'intérêt de la valeur moyenne qu'exprime le
PIB par habitant.
On retiendra donc que le PIB par habitant en p.p.a. constitue sans doute le moins mauvais des indicateurs économiques disponibles à l'échelle mondiale mais qu'il n'en comporte pas moins des biais redoutables et ne peut fournir qu'une approximation très grossière du développement, mesuré d'ailleurs uniquement dans sa dimension économique et indépendamment des modalités précises de répartition de la richesse entre les individus, les groupes sociaux, les régions, les villes et les campagnes. Malgré les critiques qu'on peut lui adresser, cet indicateur consitue un progrès indéniable par rapport aux mesures effectuées en terme de PIB ou de PNB exprimés en dollars courant. Il permet notamment de relativiser les économies entre pays riches et pays pauvres (Cf. B.1) et de suivre les recompositions économiques mondiales récentes dans leurs grandes lignes. Le tableau suivant (tirés de C. Vandermotten, 1998 p.35) en constitue une bonne illustration :
Comparaison de la distribution de la richese mondial aux taux de change et en p.p.a.
(aux tx de change) 1995 |
( en ppa) en 1985 |
( en ppa) en 1995 |
en 1985 |
en 1995 |
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Ce point du cours devant faire l'objet d'un exposé
dans les semaines à venir, on évitera de le traiter immédiatelment
de façon détaillée, mais il est nécessaire
d'en dire tout de même quelques mots pour l'intelligence du reste
du chapitre.
L'indicateur du développement humain (IDH) est un indicateur composite qui mesure le niveau de développement des sociétés sur une échelle comprise entre 0 et 1 à partir d'une combinaison de trois critères :
L'IDH qui a été mis au point en 1990 et publié dans le premier rapport mondial sur le développement humain a été clairement conçu en opposition aux mesures habituelles du développement en terme de richesse économique (PIB, PNB) et vise à introduire un nouveau concept centré sur l'idée du droit de chaque être vivant à disposer d'opportunités et de choix dans tous les domaines essentiels de la vie. L'idée sous-jacente est que le revenu contribue certes à élargir les possibilités de choix et de bien être des individus, mais qu'il ne représente pas la totalité des dimensions et des besoins de la vie humaine. Renvoyant de façon explicite à la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948("Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux, ainsi que pour les services sociaux nécessaires... Toute personne a droit à l'éducation ... au travail ... [et à] la sécurité sociale"), l'IDH ambitionne de mesurer l'adéquation entre les droits dont devraient disposer théoriquement les êtres humains et les choix qui leurs sont réellement offerts .
Le concept de développement humain est beaucoup plus vaste que les trois domaines pris en compte dans l'IDH, mais les promoteurs considèrent que la longévité (espérance de vie), le savoir (scolarisation, alphabétisation) et les conditions de vie (revenu) définissent un noyau dur de conditions nécessaires à l'épanouissement de tout être humain. Les promoteurs de cette indice sont tout à fait consceints qued'autres conditions peuvent et doivent ensuite être introduites mais elles sont subordonnées à la satisfaction minimale des besoins exprimés par les trois critères retenus dans l'IDH.
Par dela la promotion d'un indicateur statistique de plus, les rapports sur le développement humain, publiés chaque année, ont amorcé un processus de réflexion à l'échelle mondiale. Des rapports nationaux sur le développement humain sont produits chaque année par un très grand nombre de pays, soit pour préciser les valeurs des indicateurs à d'autres niveaux (sociaux, régionaux, ...), soit pour développer la réflexion sur les caractéristiques propres du développement humain dans un pays précis et sur les facteurs permettant d'agir. D'autre part, des reflexions thématiques sur des aspects plus précis du développement humain font l'objet de rapports et d'études spécifiques au niveau national comme au niveau international. Ainsi, le rapport mondial sur le développement humain de 1998-99 s'est plus spécialement consacré à la question su "Savoir au service du développement".
En d'autres termes, l'IDH n'est que la partie émergé
de l'iceberg d'une réflexion de fonds, actuellement en cours,
sur le développement humain et les moyens de le faire progresser.
Malgré ses défauts (qui seront soulignés dans la suite
du cours), l'IDH a joué un rôle essentiel de remise en
cause des outils d'analyse précédents (PIB) et a contribué
à promouvoir un renouveau de la réflexion à la fois
scientifique et politique sur le développement. Il ne
doit donc pas être jugé uniquement à l'aune de ses
qualités intrinsèques mais être replacé dans
le cadre plus général du processus qu'il a contribué
à faire naître.
L'IDH est complété par une batterie
d'indices plus spécifiques qui permettent de mesurer des dimensions
spécifiques du développement humain. Parmi les plus intéressants,
on peut noter :
Les indicateurs de pauvreté humaine qui permet de préciser la mesure globale fournie par l'IDH en examinant si le progrès profite à tous où ne concerne qu'une minorité. L'IPH-1 mesure la pauvreté dans les pays en développement (faible IDH) en repérant la part de la population qui connaît le denuement le plus total (espérance de vie < 40 ans,adultes analphabètes, manque d'accès aux services de base, etc.). l'IPH-2, apparu en 1998, effectue un calcul similaire pour les pays industrialisés en se fondant sur le taux d'illétrisme, le pourcentage de population ayant une espérance de vie < 60 ans, le pourcentage de population vivant en dessous du seuil de pauvreté (1/2 médiane), le taux de chômage de longue durée.
L'indicateur sexospécifique du développement humain (ISDH) et l'indicateur de participation des femmes (IPF) s'intéressent quant à eux aux inégalités entre les hommes et les femmes et permettent de nuancer les conclusions tirées de l'IDH lorsque des inégalités flagrantes existent entre les deux moitiés de l'humanité.
Ces différents indicateurs complémentaires
de l'IDH seront analysés dans le cadre des travaux dirigés
à l'aide d'exemples tirés du rapport sur le développement
humain de 1998.
(1) Structure du peuplement
DEN99 : densité de population en 1999
URB00 : proportion de population urbaine en 2000
(2) Structure économique
AGR00 : part de l'agriculture dans le PIB
PNH97 : produit national brut en 1997 aux taux de change
PIH99 : produit intérieur brut en 1999 enparité de pouvoir
d'achat
(3) Structures démographiques
JEU99 : part des jeunes (- de 15 ans) dans la population totale en
1999
VIE99 : part des vieux (+ de 64 ans) dans la population totale en 1999
ISF99 : indice synthétique de fécondité (nombre
d'enfants par femme) en 1999
(4) Système de santé
TMI99 : taux de mortalité infantile en 1999
EVH99 : espérance de vie des hommes à la naissance en
1999
EVF99 : espérance de vie des femmes à la naissance en
1999
(5) Système éducatif
ALP95 : taux d'alphabétisation des adultes en 1995
SCO95 : taux de scolarisation des enfants en 1995
(6) Système statistique
FIA99 :fiabilité des indicateurs démographiques sur une
échelle de 1 à 4
On remarquera que les différentes variables composant l'IDH sont introduites dans l'analyse (EVH, EVF, ALP, SCO, PIB) mais qu'elles n'en constituent qu'une partie et ne subissent pas de transformation particulière visant à amoindir ou augmenter leur rôle.
Une ACP effectuée sur le tableau des 14 variables
standardisée décrivant 146 Etats du monde révèle
l'existence de trois composantes significatives (valeur propre > 1) définissant
trois dimensions latentes permettant de regrouper les variables en facteurs
de portée plus générale. Ces trois composantes
résument 83% de la variance totale, le premier facteur comptant
à lui seul pour près de 67% des différences existant
entre les Etats.
Corrélation des 14 variables avec les facteurs de l'ACP et avec l'IDH
VARIABLES | Facteur 1 | Facteur 2 | Facteur 3 | IDH95 |
67% | 8% | 8% | ||
DEN99 : densité de population en 1999 | 0.18 | 0.32 | -0.87 | 0.09 |
URB00 : proportion de population urbaine en 2000 | 0.75 | -0.04 | 0.31 | 0.76 |
AGR00 : part de l'agriculture dans le PIB | -0.91 | 0.17 | -0.11 | -0.90 |
PNH97 : produit national brut en 1997 aux taux de change | 0.71 | 0.62 | 0.21 | 0.63 |
PIH99 : produit intérieur brut en 1999 enparité de pouvoir d'achat | 0.79 | 0.50 | 0.24 | 0.75 |
JEU99 : part des jeunes (- de 15 ans) dans la population totale en 1999 | -0.92 | -0.06 | 0.09 | -0.81 |
VIE99 : part des vieux (+ de 64 ans) dans la population totale en 1999 | 0.83 | 0.23 | -0.02 | 0.68 |
ISF99 : indice synthétique de fécondité en 1999 | -0.89 | 0.20 | 0.23 | -0.82 |
TMI99 : taux de mortalité infantile en 1999 | -0.93 | 0.22 | 0.08 | -0.91 |
EVH99 : espérance de vie des hommes à la naissance en 1999 | 0.90 | -0.14 | -0.10 | 0.89 |
EVF99 : espérance de vie des femmes à la naissance en 1999 | 0.92 | -0.18 | -0.09 | 0.90 |
ALP95 : taux d'alphabétisation des adultes en 1995 | 0.85 | -0.32 | -0.01 | 0.84 |
SCO95 : taux de scolarisation des enfants en 1995 | 0.85 | -0.20 | 0.09 | 0.86 |
FIA99 :fiabilité des indicateurs démographiques sur une échelle de 1 à 4 | 0.73 | 0.20 | -0.03 | 0.63 |
IDH95: Indicateur de développement humain 1995 | 0.95 | -0.12 | 0.09 | 1.00 |
L'analyse des corrélations des 14 variables retenues avec les trois axes factoriels dégagés par l'ACP permet d'en proposer une interprétation synthétique.
Interprétation des axes factoriels dégagés par l'ACP
L'analyse factorielle confirme donc l'existence d'une dimension globale de développement humain associant les critères démographiques, économiques, sanitaires ou sociaux dans le cadre d'un phénomène général de transition simultanée sur toute une série de critères. Elle montre que le classement des pays qui en résulte est très voisin, quelle que soit la combinaison de critère employée (les 14 variables retenues aboutissent grosso modo au même résultat que les 4 variables retenues par les Nations Unies pour construire l'IDH).
Pour autant, il apparaît que cette dimension globale du développement ne suffit pas à épuiser la complexité des situations et qu'au moins deux autres dimensions introduisent des nuances dans les formes du développement observées. Le rôle de l'Etat et du régime politique (2e facteur) peut notamment conduire à renforcer les facteurs de développement sociaux (éducation, santé) dans certains Etats ou à mettre l'accent sur le développement économique (PIB, PNB) dans d'autres. Les facteurs naturels, historiques et culturels (3e facteur) se traduisent quant à eux par des formes plus ou moins poussées d'urbanisation et une résistance plus ou moins grande de l'économie agricole.
En d'autres termes, l'analyse permet de nuancer très
fortement le schéma d'un modèle de développement unique
qui était implicite dans la plupart des théories de la transition.
Il réintroduit, au moins dans les trajectoires, une importante diversité
qui va être précisée par la classification.
Dans un but didactique, on a choisi de présenter les 9 classes mises en évidence par la CAH sans préciser l'arbre de classification et en mélangeant volontairement les numéros de classe. L'objectif (dans le cadre du TD associé au cours) est de laisser aux étudiants le soin d'interpréter les classes et de procéder eux-mêmes aux regroupements qui leurs sembleraient les plus pertinents. Cette procédure est également justifiée d'un point de vue théorique, dans la mesure où la procédure statistique de classification peut conduire à des résultats moins pertinents que ceux d'une reflexion inductive bien menée.
Profils standardisés des centres de classes sur l'ensemble des indicateurs
CLASSE | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 |
nb. pays | 14 | 33 | 20 | 13 | 10 | 22 | 25 | 8 | 1 |
DEN99 | -0.1 | -0.5 | 0.3 | 0.0 | 0.9 | -0.4 | -0.2 | 0.8 | 7.0 |
URB00 | 0.5 | 0.1 | 1.0 | 0.6 | -0.7 | -0.8 | -1.0 | 1.5 | -1.6 |
AGR00 | -0.8 | -0.3 | -1.1 | -0.7 | 0.4 | 0.9 | 1.4 | -0.9 | 0.8 |
PNH97 | 0.0 | -0.4 | 2.2 | -0.4 | -0.5 | -0.5 | -0.6 | 0.8 | -0.6 |
PIH99 | 0.3 | -0.3 | 2.1 | -0.3 | -0.4 | -0.6 | -0.8 | 0.9 | -0.8 |
JEU99 | -1.3 | 0.3 | -1.4 | -1.1 | 0.0 | 1.0 | 1.0 | -0.1 | 0.9 |
VIE99 | 1.3 | -0.5 | 1.6 | 0.9 | -0.4 | -0.7 | -0.8 | -0.6 | -0.8 |
ISF99 | -1.0 | -0.1 | -1.0 | -1.1 | -0.4 | 1.0 | 1.3 | 0.3 | -0.1 |
TMI99 | -0.9 | -0.3 | -1.0 | -0.8 | -0.4 | 1.1 | 1.5 | -0.6 | 0.9 |
EVH99 | 0.7 | 0.3 | 1.1 | 0.4 | 0.5 | -1.2 | -1.3 | 0.8 | -0.3 |
EVF99 | 0.8 | 0.3 | 1.1 | 0.7 | 0.4 | -1.3 | -1.3 | 0.6 | -0.7 |
ALP95 | 0.8 | 0.2 | 0.9 | 0.9 | 0.4 | -0.4 | -1.7 | 0.1 | -1.8 |
SCO95 | 0.5 | 0.3 | 1.2 | 0.6 | 0.1 | -0.4 | -1.6 | 0.3 | -1.3 |
FIA99 | 1.3 | 0.0 | 1.3 | -0.2 | 0.1 | -1.0 | -0.7 | -0.5 | 0.1 |
IDH95 | 0.9 | 0.3 | 1.2 | 0.4 | 0.1 | -0.8 | -1.5 | 0.8 | -1.3 |
FACTOR(1) | 0.9 | 0.0 | 1.5 | 0.6 | 0.0 | -1.0 | -1.4 | 0.5 | -0.8 |
FACTOR(2) | -0.3 | -1.0 | 1.5 | -1.1 | -0.5 | 0.1 | 0.8 | 0.3 | 2.3 |
FACTOR(3) | -0.2 | 0.2 | 0.4 | -0.3 | -1.4 | 0.4 | 0.0 | 0.2 | -6.5 |
Liste des pays regroupés dans les différentes classes de la CAH
1 | Macédoine ,Croatie ,Roumanie ,Bulgarie ,Hongrie ,Slovaquie ,Tchèque (République) ,Uruguay ,Slovénie ,Argentine ,Portugal ,Chili, Grèce, Espagne |
2 | Nicaragua,Maroc ,Honduras,Tadjikistan,Bolivie ,Égypte ,Azerbaïdjan,Kirgizistan,Ouzbékistan,Turkménistan,Mongolie ,Guyana ,Kazakhstan,Paraguay ,Afrique du Sud,Pérou ,Jordanie,Tunisie ,Algérie ,Syrie,Iran,Équateur ,Turquie,Suriname ,Libye ,Belize,Brésil ,Malaisie,Colombie ,Mexique,Venezuela ,Panama,Costa Rica |
3 | Luxembourg,Italie ,Allemagne,Danemark ,Suisse,Irlande ,Royaume-Uni ,Australie ,Belgique,Autriche,Suède ,Nouvelle-Zélande ,Japon ,Pays-Bas,Finlande ,Islande ,Norvège ,États-Unis (y c. Hawaï) ,France (métropolitaine),Canada |
4 | Moldavie ,Géorgie,Ukraine ,Arménie,Lettonie ,Cuba ,Lituanie ,Estonie ,Corée du Nord ,Russie (Fédération de) ,Biélorussie ,Pologne ,Chypre |
5 | Viêt Nam,Salvador,Chine ,Albanie ,Philippines,Indonésie,Sri Lanka,Dominicaine (République) ,Jamaïque ,Thaïlande |
6 | Malawi ,Ouganda ,Tanzanie ,Zambie ,Togo ,Congo. (Rép.dém.du. ex-Zaïre),Nigeria ,Cambodge,Kenya ,Guinée équatoriale ,Laos,Ghana ,Birmanie (Myanmar),Cameroun,Zimbabwe ,Papouasie-Nouvelle-Guinée ,Congo,Irak,Gabon,Guatemala,Namibie,Botswana |
7 | Sierra Leone ,Niger ,Burkina Faso ,Mali ,Burundi ,Éthiopie ,Guinée ,Mozambique ,Gambie ,Guinée-Bissau ,Tchad,Djibouti ,Haïti ,Sénégal ,Soudan ,Angola,Centrafricaine (République) ,Madagascar ,Népal,Yémen,Mauritanie ,Côte d'Ivoire ,Bénin ,Inde,Pakistan |
8 | Oman,Arabie saoudite,Liban,Qatar,Koweït,Émirats arabes unis,Corée du Sud ,Israël |
9 | Bangladesh |
La projection des pays et surtout des centres de classe
sur le plan factoriel des axes 1 et 2 définis précédemment
permet de faciliter l'interprétation et de proposer une grille de
lecture associant le niveau global de développement humain (position
sur l'axe 1) et les formes particulières de ce développement
(position sur les axes 2 et 3). On en déduit la grille de lecture
ci-dessous.
NIVEAU ET STYLE DE DEVELOPPEMENT | CLASSES | CARACTERISTIQUES |
A. Très fort développement humain | IDH supérieur à 0.90 | |
A.1 Pays d'économie capitaliste d'industrialisation ancienne | 3 |
|
B. Fort développement humain | IDH compris entre 0.70 et 0.90 | |
B.1 Modèle capitaliste exportateur et monarchies pétrolières | 8 |
|
B.2 Modèle socialiste centre-européen et modèle étatique méditerranéen ou sud-américain. | 1 |
|
B.3 Modèle socialiste soviétique | 4 |
|
C. Développement humain moyen | IDH compris entre 0.50 et 0.70 | |
C.1 Modèle rural asiatique | 5 |
|
C.2 Modèle urbain sud-américain et arabo-musulman | 2 |
|
D. Faible développement humain | IDH inférieur à 0.50 | |
D.1 Modèle africain tropical | 6 |
|
D.2 Modèle africain sahélien | 7 |
|
D.3 Bangladesh | 9 |
|
Les niveaux de développement (A, B, C, D) expriment
le degré d'avancement des Etats sur l'ensemble des facteurs de
transition observés à l'échelle de la planète
(scolarisation, urbanisation, structures économiques, structures
démographiques, etc.) mais les variantes à l'intérieur
d'un même niveau exprime des styles particuliers de développement
caractérisés par des avancées plus ou moins importantes
sur un critère ou un autre.
Ces styles peuvent s'expliquer par l'histoire politique
et sociale des Etats (e.g. regroupement des Etats ayant connu un régime
socialiste dans les même classes) mais ils peuvent aussi recouvrir
des aires de civilisation (modèle asiatique) ou refléter
des conditions naturelles particulières (modèle africains
sahélien et tropical) voire l'existence de certains types de
ressources (pays pétroliers). Indépendamment de ces facteurs,
la situation géographique relative des pays (enclavement,
proximité de voisins puissants, etc.) constitue un facteur important
du développement et il est particulièrement frappant de constater
que les groupes d'Etats ne se regroupent pas au hasard mais forment des
ensembles territoriaux généralement très cohérents.
CLASSIFICATION DES ETATS EN FONCTION DE LEUR NIVEAU ET DE LEUR STYLE DE DEVELOPPEMENT HUMAIN EN 1995-2000 |
Il est toutefois important (et nous rejoignons sur ce point la philosophie qui a présidé à la création de l'IDH) de mettre en évidence les interrelations fortes qui lient l'ensemble des facteurs, tout en signalant les exceptions ou plutôt les variantes régionales du développement humain. Car c'est la prise en compte de ces variantes régionales, d'origine historique, culturelle, politique ou sociale qui conditionnent le succès ou l'échec des politiques mises en oeuvre pour assurer à tous les peuples de meilleures conditions de vie et un respect de leurs droits fondamentaux. La crise asiatique de 1997 et les ravages des politiques ultra-libérales dans les ex-pays socialistes ont en effet montré le danger qu'il y avait à projeter un modèle imposé de l'extérieur sur des groupes humains ayant des traditions ou des modes de fonctionnement spécifiques.
Dans le chapitre suivant (C. Etude régionale
du Monde), Christian Grataloup s'efforcera précisément
de mettre en évidence la diversité du Monde et procédera
à une première remise en cause de la grille de lecture des
Etats en procédant à des analyses conjointes de la dynamique
de groupes de pays (continents, sous-continents).