GO303 : Organisation de l'espace (1)
Analyse spatiale et modélisation des phénomènes géographiques

Claude Grasland
Université Paris VII / UFR GHSS - Licence de Géographie  / Année 2000-2001 / 1er  Semestre

Chapitre 4
AUTOCORRELATION SPATIALE
ET
AUTOCORRELATION TERRITORIALE
(Documents de cours)

 

A) LA CONSTRUCTION D'UNE MATRICE DE SIMILARITE

A.1) Problèmes généraux

A.2) Mesure des dissimilarités B) DISSIMILARITE ET APPARTENANCE TERRITORIALE

B.1 Approche statistique : l'analyse de la variance

B.2 Solution générale C) DISSIMILARITE ET PROXIMITE SPATIALE

C.1) Approche statistique : les indices de Geary & Moran

C.2) Solution générale D) EXEMPLES D'APPLICATION
 
 

Document 1 : La construction d'une matrice de similarité

Exemple 1 : Mesure des proximités linguistiques entre les pays d'Europe

(a) Deux pays ont-ils la même langue officielle ?
 
Attributs Similarité
Pays (i)  Langue officielle (Xi) Sij France Allemagne Autriche
France Français France
1
0
0
Allemagne Allemand Allemagne
0
1
1
Autriche Allemand Autriche
0
1
1

(b) Quelle est la probabilité que deux habitants de chaque pays parlent la même langue ?
 
Attributs
Pays(i) Langues parlées (%) Similarité
.
FR
AL
IT
NE
Sij
Fra
Bel
Sui
Ita
France
100
0
0
0
Fra
100
40
20
0
Belgique
40
2
0
57
Bel
40
100
9.5
0
Suisse
20
75
5
0
Sui
20
9.5
100
5
Italie
0
0
100
0
Ita
0
0
5
100

Exemple 2 : Mesure des dissimilarités pour un attribut quantitatif
 
Dissimilarité 1 : abs(Xi-Xj)
Sij Aut Rou All
Aut
0
15.3
17.4
Rou
15.3
0
32.7
All
17.4
32.7
0
Attributs
Pays 
Tx mort. Inf (88)
Dissimilarité 2 : (Xi-Xj)2
(i)
(Xi)
Sij Aut Rou All
Autriche
10.3
Aut
0
234
303
Roumanie
25.6
Rou
234
0
1069
Albanie
43.0
All
303
1069
0
Dissimilarité 3 : abs(Xi-Xj) / min(Xi,Xj)
Sij Aut Rou Alb
Aut
0%
149%
68%
Rou
149%
0%
317%
Alb
68%
317%
0%

Exemple 3 : Mesure des dissimilarités pour plusieurs attribut quantitatif

Variables standardisées Différence moyenne (en écart-type)
 
PAYS PNB TMI ESP URB FEC DS ALB AUT BEL BUL ROU HON
ALB
-0.9 
2.0 
-0.6 
-1.4 
2.0 
ALB
0.0 
2.3 
2.6 
1.4 
0.9 
1.3 
AUT
1.5 
-0.9 
1.3 
-0.2 
-1.0 
AUT
2.3 
0.0 
0.5 
1.1 
1.5 
1.2 
BEL
1.3 
-0.9 
1.3 
1.9 
-0.9 
BEL
2.6 
0.5 
0.0 
1.2 
1.9 
1.5 
BUL
-0.6 
-0.5 
-0.1 
0.3 
-0.1 
BUL
1.4 
1.1 
1.2 
0.0 
0.7 
0.4 
ROU
-0.8 
0.5 
-1.0 
-0.6 
0.4 
ROU
0.9 
1.5 
1.9 
0.7 
0.0 
0.4 
HON
-0.6 
-0.1 
-1.0 
-0.1 
-0.4 
HON
1.3 
1.2 
1.5 
0.4 
0.4 
0.0 

 

Exemple 4 : Mesure des dissimilarités entre séries temporelles

Evolutions récentes de la fécondité en Europe Centrale

Dissimilarités moyennes de niveau
 
Année
1989
1990
1991
1992
1993
1994
Dsij
Ita
RFA
RDA
Rou
Italie
1.29
1.27
1.27
1.26
1.21
1.22
Ita
0.00
0.15
0.34
0.41
RFA
1.39
1.48
1.42
1.40
1.39
1.35
RFA
0.15
0.00
0.41
0.26
RDA
1.58
1.41
0.98
0.83
0.77
0.77
RDA
0.34
0.41
0.00
0.61
Roumanie
2.20
1.83
1.60
1.51
1.44
1.41
Rou
0.41
0.26
0.61
0.00

Dissimilarités moyennes d'évolution
 
Années 89-90 90-91 91-92 92-93 93-94 Dsij Ita RFA RDA Rou
Italie
-2%
0%
-1%
-4%
1%
Ita
0%
3%
10%
6%
RFA
6%
-4%
-1%
-1%
-3%
RFA
3%
0%
11%
7%
RDA
-11%
-30%
-15%
-7%
0%
RDA
10%
11%
0%
6%
Roumanie
-17%
-13%
-6%
-5%
-2%
Rou
6%
7%
6%
0%

Convergence des niveaux
 
Dif89 Ita RFA RDA Rou
Ita
0.00
0.10
0.29
0.91
RFA
0.10
0.00
0.19
0.81
(Dif89 - Dif94)/(Dif89)
RDA
0.29
0.19
0.00
0.62
Dsij Ita RFA RDA Rou
Rou
0.91
0.81
0.62
0.00
Ita
0%
-30%
-55%
79%
RFA
-30%
0%
-205%
93%
Dif94 Ita RFA RDA Rou RDA
-55%
-205%
0%
-3%
Ita
0.00
0.13
0.45
0.19
Rou
79%
93%
-3%
0%
RFA
0.13
0.00
0.58
0.06
RDA
0.45
0.58
0.00
0.64
Rou
0.19
0.06
0.64
0.00

 

Document 2 : Analyse des similarité des évolutions de fécondité des pays d'Europe et de 8 républiques soviétiques (1952-1982)
Source : Grasland C., 1990, Systèmes démographiques et systèmes supranationaux : la fécondité européenne de 1952 à 1982, European Journal of Population, 6, pp. 163-191

Evolution de la fécondité des pays d'Europe et de 8 républiques socialistes soviétiques

Corrélation entre les évolutions de fécondité (1952-1982)

Identification de deux modèles d'évolution de la fécondité en Europe

 

Document 3 : Analyse des effets d'appartenance territoriale

(a) Définition des effets d'appartenance territoriale

On considère un ensemble de n lieux 1..i...N divisé en k régions R1..Rj..Rk et caractérisés par un attribut quantitatif X (X1..Xi…Xn). On souhaite déterminer s'il existe une relation entre l'appartenance des lieux aux différentes régions et la valeur de leur attribut X.


Les chiffres en gras correspondent au code des unités et les chiffres en italiques à la valeur de l'attribut X.

(b) Une solution statistique particulière : l'analyse de la variance

On peut évaluer statistiquement l'importance de l'effet d'appartenance en décomposant la variation totale de l'indicateur X en deux composantes : la variation intra-régionale et la variation inter-régionale.
 
Unités Régions Valeur de l'indicateur Variance de l'indicateur
i
j
Xi
Xj
Xtot
(Xi-Xtot)2
(Xi-Xj)2
(Xj-Xtot)2
1
A
15
15
25
100
0
100
2
A
5
15
25
400
100
100
3
A
25
15
25
0
100
100
4
B
40
40
25
225
0
225
5
B
20
40
25
25
400
225
6
B
60
40
25
1225
400
225
7
C
10
20
25
225
100
25
8
C
20
20
25
25
0
25
9
C
30
20
25
25
100
25
Total
2250
1200
1050

Dans l'exemple ci-dessus la variation totale (2250) correspond à 53% de variations intra-régionale (1200) et 47% de variations inter-régionales (1050). D'un point de vue statistique, on peut dire que l'appartenance régionale "explique" 47% des différences de niveau entre les unités spatiales pour le critère X.

N.B. Un test statistique (test F de Fischer-Snedecor) permet de vérifier si cet effet d'appartenance régionale est significatif ou non. Si on note n le nombre d'unités et k le nombre de régions, on trouve :

Fobs = [(variation inter-régionale) / (k-1) ] / [(variation inter-régionale) / (n-k) ]= 2.625

Fthéorique = F(k-1,n-k, a ) lu dans la table de Fischer-Snedecor pour un risque d'erreur a

(c) Une solution générale

L'analyse de la variance est une solution rigoureuse sur le plan statistique, mais elle est assez abstraite et ne laisse aucune liberté dans le choix de la mesure de dissimilarité. En effet, l'utilisation de l'analyse de la variance revient (implicitement) à mesurer les dissimilarités entre les lieux à l'aide du critère DSij = (Xi-Xj)2 . Or, on peut souhaiter mesurer les dissimilarités à l'aide d'autres critère (Cf. document 1). Il existe une manière plus simple et plus générale pour mesurer les effets d'appartenance

1ere étape : Définition d'une matrice de dissimilarité
 
i Xi
DSij
1
2
3
4
5
6
7
8
9
1
15
1
-
10
10
25
5
45
5
5
15
2
5
2
10
-
20
35
15
55
5
15
25
3
25
3
10
20
-
15
5
35
15
5
5
4
40
4
25
35
15
-
20
20
30
20
10
5
20
5
5
15
5
20
-
40
10
0
10
6
60
6
45
55
35
20
40
-
50
40
30
7
10
7
5
5
15
30
10
50
-
10
20
8
20
8
5
15
5
20
0
40
10
-
10
9
30
9
15
25
5
10
10
30
20
10
-

2e étape : Définition d'une matrice d'appartenance commune
 
i Ai
Aij
1
2
3
4
5
6
7
8
9
1
A
1
-
1
1
0
0
0
0
0
0
2
A
2
1
-
1
0
0
0
0
0
0
3
A
3
1
1
-
0
0
0
0
0
0
4
B
4
0
0
0
-
1
1
0
0
0
5
B
5
0
0
0
1
-
1
0
0
0
6
B
6
0
0
0
1
1
-
0
0
0
7
C
7
0
0
0
0
0
0
-
1
1
8
C
8
0
0
0
0
0
0
1
-
1
9
C
9
0
0
0
0
0
0
1
1
-

3e étape : Calcul de la dissemblance moyenne en fonction de l'appartenance commune

4e étape : Calcul du coefficient d'autocorrélation territoriale

G = 1 - (DSIntra / DSInter)

Si G>0 , l'autocorrélation territoriale est positive, ce qui signifie que deux lieux appartenant à une même région se ressemblent plus que deux lieux appartenant à des régions différentes.

Si G<0 , l'autocorrélation territoriale est négative, ce qui signifie que deux lieux appartenant à une même région se ressemblent moins que deux lieux appartenant à des régions différentes.

Si G=0 , l'autocorrélation territoriale est nulle, ce qui signifie que deux lieux appartenant à une même région se ressemblent ni plus ni moins que deux lieux appartenant à des régions différentes

Dans notre exemple, G = 1 -(17.8/19.6) = +0.09 (très lègère autocorrélation territoriale positive)

Document 4 : Analyse des effets de voisinage

(a) Définition des effets de voisinage

On dit qu'il existe un effet de voisinage lorsque les lieux proches se ressemblent plus que les lieux éloignés. Plus généralement, on parle d'autocorrélation spatiale lorsqu'il existe une relation entre la proximité spatiale des lieux et leur degré de ressemblance ou de dissemblance. On peut distinguer trois situations typiques :

(b) Deux solutions statistiques particulières : l'indice de Geary et l'indice de Moran

L'indice de Geary propose de mesurer l'autocorrélation spatiale à l'aide d'un indice qui est le rapport entre la variance des régions contiguës et la variance totale.

L'indice de Moran propose de mesurer l'autocorrélation spatiale à l'aide d'un indice qui est le rapport entre la covariance des régions contiguës et la variance totale.

Ces deux indices sont assez compliqués, mais ils permettent d'effectuer des tests statistiques pour déterminer si l'effet de voisinage est imputable au hasard ou non.

(c) Une solution générale

On reprend l'exemple du document 3 et l'on cherche à déterminer s'il existe une relation entre la proximité spatiale des régions et leur degré de ressemblance :

1ere étape : Définition d'une matrice de dissimilarité

(Cf. document 3)

2e étape : Définition d'une matrice de contiguïté
 
Cij
1
2
3
4
5
6
7
8
9
1
0
1
1
0
0
0
1
0
0
2
1
0
1
1
1
0
0
0
0
3
1
1
0
1
0
1
1
1
0
4
0
1
1
0
1
1
0
0
0
5
0
1
0
1
0
1
0
0
0
6
0
0
1
1
1
0
0
1
1
7
1
0
1
0
0
0
0
1
0
8
0
0
1
0
0
1
1
0
1
9
0
0
0
0
0
1
0
1
0

 

3e étape : Calcul de la dissemblance moyenne en fonction de la contiguïté

4e étape : Calcul du coefficient d'autocorrélation spatiale

Z= 1 - (DSProx / DSEloi)

Si Z>0 , l'autocorrélation territoriale est positive, ce qui signifie que deux lieux proches se ressemblent plus que deux lieux éloignés.

Si Z<0 , l'autocorrélation territoriale est négative, ce qui signifie que deux lieux proches se ressemblent moins que deux lieux éloignés.

Si Z=0 , l'autocorrélation territoriale est nulle, ce qui signifie que deux lieux proches se ressemblent ni plus nimoins que deux lieux éloignés

Dans notre exemple, Z = 1 -(17.8/19.6) = -0.05 (très lègère autocorrélation spatiale négative)
 
 

Document 5 : Application des méthodes d'analyse de l'autocorrélation spatiale et de l'autocorrélation territoriale
Source : Decroly J.M., Grasland C., (1993), "Frontières, systèmes politiques et fécondité en Europe", Espace Population Sociétés, 2, pp. 135-152
 
 

La fécondité des régions européennes en 1988

(a) Deux hypothèses

Hypothèse 1 : La fécondité d'une région européenne dépend de la fécondité de son pays d'appartenance. En effet, l'Etat dispose de nombreux moyens d'action (primes pour les familles nombreuses, lois interdisant l'avortement, etc.) qui peuvent contribuer à accroître ou réduire la fécondité.

Hypothèse 2 : La fécondité d'une région européenne dépend de la fécondité des régions voisines. En effet, il existe des phénomènes de diffusion des comportements démographiques et plus généralement des comportements sociaux qui se propagent dans l'espace de proche en proche selon des processus d'imitation. L'examen de la carte ne permet pas de trancher facilement entre les deux hypothèses. On décide donc de calculer des coefficients d'autocorrélation spatiale ou territoriale.

(b) Choix du critère de dissimilarité

    On a décidé de mesurer des différences relatives de fécondité exprimées en %

    Dsij = abs(Xi-Xj) /moy(Xi , Xj)
     

(c) Calcul des dissimilarités moyennes de fécondité
     
    Non-voisines Voisines Ensemble
    Cij=0 Cij=1
    Pays différents Aij=0
    26.0 %
    18.3 %
    26.0 %
    Même pays Cij=0
    15.9 %
    9.2 %
    15.4 %
    Ensemble
    25.4 %
    10.5 %
    25.3 %
(d) Calcul des coefficients d'autocorrélation spatiale et territoriale

G= 1-(15.4/26.0) = +0.41

Z= 1-(10.5/25.4) = +0.59 (e) Mise en évidence des discontinuités de fécondité en Europe

Une analyse plus approfondie des résultats montre que les deux effets se combinent ce qui entraîne l'apparition de discontinuités spatiales le long des frontières. Les différences de fécondité sont graduelles à l'intérieur des Etats alors qu'elles sont brutales de part et d'autre des frontières.