LES MODELES D'INTERACTION SPATIALE
A DESCRIPTION D'UNE MATRICE DE FLUX
A.1) Définition d'une matrice de flux
B.1) Historique
C.1 Force d'attraction et zones d'influence théoriques
Document 1 : Les différents sens du mot "Interaction spatiale"
D'après C. Grasland, HYPERGEO : http://www.cybergeo.presse.fr/libergeo/hypergeo.htm
Bien qu’elle joue un rôle central dans la définition de la géographie contemporaine, la notion d’interaction spatiale est excessivement difficile à définir tant les définitions qui ont pu en être proposé sont variées. On peut toutefois tenter d’esquisser une classification de ces définitions afin de distinguer ce qui constitue le cœur de la notion , ce qui renvoie à des extensions de celle-ci et les problèmes théoriques qu’elle soulève.
Une définition très fréquente dans la littérature anglo-saxonne réduit la notion d’interaction spatiale au phénomène de décroissance des flux avec la distance. L’observation des migrations à la fin du XIXe siècle a conduit très tôt différents auteurs à mettre en évidence des lois empiriques (Ravenstein) qui ont ensuite été rapprochées par analogie des lois de la gravitation universelle. Les modèles gravitaires qui font dépendre le volume d’interaction entre deux lieux de la masse des lieux émetteur et récepteur ainsi que de l’inverse du carré de la distance qui les séparent (Stewart) peuvent être considérés comme les précurseurs de formalisations théoriques plus générales des flux rassemblées actuellement sous le terme de modèles d’interaction spatiale.
Si les modèles d’interaction spatialestricto sensu ont trait à l’étude des flux effectifs qui s’établissent entre des unités territoriales au cours d’une période de temps, de nombreux auteurs tendent à leur rattacher un ensemble de modèles de position (Fustier) qui décrivent non pas les relations entre deux lieux mais la position relative d’un lieu par rapport aux autres. Le calcul du potentiel d’un lieu se fonde certes sur la prise en compte d’une hypothèse d’interaction spatiale (forme de la décroissance de la probabilité de relation avec la distance) mais il s’agit fondamentalement d’une mesure d’accessibilité visant à évaluer la variation de la quantité d’opportunités de relation en fonction de la position. Les modèles de Reilly et de Huff qui visent à déterminer les aires de marché théoriques d’un ensemble de lieux centraux se rattachent également à la catégorie des modèles de position puisqu’ils visent à décrire les lieux (appartenance à une zone de marché) et non pas directement les relations entre les lieux.
Les premiers modèles d’interaction et de position ont longtemps postulé l’existence d’une relation mathématique simple entre l’éloignement physique des lieux (mesuré par une métrique continue) et le volume ou l’intensité des relations qui s’établissait ou qui pouvait s’établir entre eux. Les fonctions d’interaction spatiale les plus utilisées pour décrire l’influence de la distance demeurent les fonctions puissance négative (dites, de Paréto) et les fonctions exponentielles négatives.. Les phénomènes de barrière, qui sont en fait le signe de l’expression de l’influence de l’appartenance territoriale des lieux ont longtemps été considéré comme des exceptions au lois de l’interaction spatiale dont l’étude n’était envisagé que dans le cadre de l’analyse des résidus de ces modèles. Cette appartenance territoriale peut pourtant être considérée comme l’expression d’une mesure de proximité discrète dont l’expression la plus simple est une métrique booléenne prenant la valeur 0 si deux lieux appartiennent à la même maille territoriale et la valeur 1 si ils sont séparés par une limite de maille territoriale. On peut désigner sous le terme d’effet de barrière ou d'interaction territoriale le fait que, deux lieux appartenant à une même maille territoriale ont en moyenne plus de relation que deux lieux appartenant à deux mailles différentes. L’interaction territoriale apparaît alors comme une forme particulière de l’interaction spatiale définie plus généralement comme le fait que deux lieux spatialement proches ont en moyenne plus de relation que deux lieux spatialement éloignés.
(4) Interaction spatiale et relation spatiale
Pour de nombreux auteurs, la définition de l’interaction spatiale comme étude de l’influence de la proximité spatiale des lieux sur l’intensité des relations qui peuvent se constituer entre eux ne renvoie pas obligatoirement à l ‘étude des flux effectifs (modèles d’interaction) ou potentiels (modèles de position). Si l’on donne au terme relation un sens quelconque, la notion d’interaction spatiale peut aussi bien désigner l’existence de relations causales dans l’espace (ce qui se passe en un lieu exerce une influence sur ce qui passe dans les autres lieux et qui varie en fonction de leur proximité), l’existence de processus de diffusion spatiale (une innovation qui apparaît en un lieu à de fortes chances de se propager vers les lieux proches, que la proximité soit mesurée de façon continue ou de façon hiérarchique), voire l’existence de formes d’autocorrélation spatiale (i.e. le fait que deux lieux proches se ressemblent plus que deux lieux éloignés). Même s’il existe des liens logiques entre tous ces champs d’analyse (les flux peuvent être à l’origine de processus de diffusion qui engendrent des formes spatiales qui vont rétroagir sur l’intensité des flux, etc.) on peut penser qu’une définition aussi extensive de l’interaction spatiale reviendrait à en faire un synonyme du terme analyse spatiale voire de la géographie dans son ensemble.
L’expression de relations entre les lieux qui sous-tend l’ensemble
des définitions proposées de l’interaction spatiale constitue
sans nul doute un point d’achoppement central qui explique en grande partie
les réactions hostiles qu’ont suscité et que suscitent encore
les modèles d’interaction spatiale. Si cette notion de relation
entre les lieux ne suscite pas de difficultés particulières
en géographie physique, où elle peut renvoyer à
des phénomènes concrets tels que le déplacement de
masses d’air ou le transfert d’une charge solide par les cours d’eau, il
n’en va pas de même en géographie humaine lorsque l’on
prétend décrire des phénomènes sociaux à
l’aide de lois globales du comportement humain. En géographie humaine,
les relations entre lieux, qu’ils s’agissent de villes, de régions
ou d’état ont en effet alors trait à des agrégats
sociaux ou économiques localisés, le plus souvent hétérogènes,
composés d’individus (personnes, ménages, entreprises,…)
ne disposant pas des mêmes revenus, des mêmes capacités
de mobilité, de la même information sur les opportunités
de relation distantes. Les modèles d’interaction spatiale postulent
alors, le plus souvent implicitement, une double hypothèse de pertinence
des agrégats sociaux et économiques constitués
et d’existence d’un comportement moyen permettant de résumer
celui des individus qui composent ces agrégats. Plutôt que
de considérer les phénomènes d’interaction spatiale
comme une composante exogène du comportement social, il semble plus
intéressant de considérer au contraire qu’elles en constituent
une résultante globale qu’il est intéressant de considérer
comme telle. Les justifications les plus pertinentes des modèles
d’interaction spatiale sont précisément celles qui démystifient
l’effet de la distance et rattachent son influence à des processus
économiques (Reilly), sociologiques (Stouffer) ou cognitifs (Hägerstrand).
Document 2 : La description d'une matrice de flux
A partir d'une enquête effectuée par la Direction
des Etudes et de la Prospective (DEP) du ministère de l'Education
Nationale et de l'Enseignement Supérieur (MESR), on peut connaître
l'évolution de la localisation des étudiants français
du supérieur entre les rentrées de 1993 et 1994. Même
si cette localisation est connue avec une certaine incertitude (un étudiant
peut être inscrit à l'Université de Rennes mais suivre
les cours dans une antenne universitaire située dans une autre ville
de Bretagne), l'enquête permet de reconstituer assez bien les déplacements
des étudiants entre les villes françaises au cours de la
période 1993-1994, surtout si on se limite aux plus grandes d'entre
elles.
(1) Définition des unités
étudiées : 6 villes universitaires de Bretagne
n° | Ville | Population
de l'agglomération en 1991
(en hab.) |
|
1
|
BREST |
201 000
|
|
2
|
LANNION |
20 000
|
|
3
|
LORIENT |
115 000
|
|
4
|
QUIMPER |
66 000
|
|
5
|
RENNES |
245 000
|
|
6
|
VANNES |
46 000
|
(2) Définition de la matrice
des flux : migrations d'étudiants (rentrée 1993 - rentrée
1994)
vers | (j) | |||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
de |
|
|
|
|
|
|
|
|
(i) |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
(3) Analyse des marges de la matrice
des flux
i | Ville | Départs | Arrivées | Volume | Solde | Attractiv. |
(O) | (D) | V=(O+D) | S=(D-O) | A=(S/V) | ||
1
|
BREST |
466
|
324
|
790
|
-142
|
-18%
|
2
|
LANNION |
98
|
82
|
180
|
-16
|
-9%
|
3
|
LORIENT |
29
|
19
|
48
|
-10
|
-21%
|
4
|
QUIMPER |
105
|
77
|
182
|
-28
|
-15%
|
5
|
RENNES |
348
|
508
|
856
|
160
|
19%
|
6
|
VANNES |
65
|
101
|
166
|
36
|
22%
|
(4) Analyse des couples Origine-Destination
(4-a)Cartographie des 10 principaux flux migratoires
(4-b) Volume et solde des échanges d'étudiants entre
les villes bretonnes (1993-1994)
F+ | BRE | LAN | LOR | QUI | REN | VAN | Tot |
BRE |
0
|
59
|
29
|
121
|
559
|
22
|
790
|
LAN |
59
|
0
|
4
|
0
|
110
|
7
|
180
|
LOR |
29
|
4
|
0
|
2
|
11
|
2
|
48
|
QUI |
121
|
0
|
2
|
0
|
50
|
9
|
182
|
REN |
559
|
110
|
11
|
50
|
0
|
126
|
856
|
VAN |
22
|
7
|
2
|
9
|
126
|
0
|
166
|
Tot |
790
|
180
|
48
|
182
|
856
|
166
|
2222
|
F- | BRE | LAN | LOR | QUI | REN | VAN | Tot |
BRE |
0
|
-21
|
-9
|
-13
|
179
|
6
|
142
|
LAN |
21
|
0
|
4
|
0
|
-14
|
5
|
16
|
LOR |
9
|
-4
|
0
|
2
|
1
|
2
|
10
|
QUI |
13
|
0
|
-2
|
0
|
8
|
9
|
28
|
REN |
-179
|
14
|
-1
|
-8
|
0
|
14
|
-160
|
VAN |
-6
|
-5
|
-2
|
-9
|
-14
|
0
|
-36
|
Tot |
-142
|
-16
|
-10
|
-28
|
160
|
36
|
0
|
(4-c) Profils d'émigration et d'immigration
Fij/Oi | BRE | LAN | LOR | QUI | REN | VAN | tot |
BRE |
0%
|
4%
|
2%
|
12%
|
79%
|
3%
|
100%
|
LAN |
41%
|
0%
|
4%
|
0%
|
49%
|
6%
|
100%
|
LOR |
66%
|
0%
|
0%
|
7%
|
21%
|
7%
|
100%
|
QUI |
64%
|
0%
|
0%
|
0%
|
28%
|
9%
|
100%
|
REN |
55%
|
18%
|
1%
|
6%
|
0%
|
20%
|
100%
|
VAN |
12%
|
2%
|
0%
|
0%
|
86%
|
0%
|
100%
|
Fij/Dj | BRE | LAN | LOR | QUI | REN | VAN |
BRE |
0%
|
23%
|
53%
|
70%
|
73%
|
14%
|
LAN |
12%
|
0%
|
21%
|
0%
|
9%
|
6%
|
LOR |
6%
|
0%
|
0%
|
3%
|
1%
|
2%
|
QUI |
21%
|
0%
|
0%
|
0%
|
6%
|
9%
|
REN |
59%
|
76%
|
26%
|
27%
|
0%
|
69%
|
VAN |
2%
|
1%
|
0%
|
0%
|
11%
|
0%
|
tot |
100%
|
100%
|
100%
|
100%
|
100%
|
100%
|
(4-d) Flux dominants
METHODE NYUSTEN & DACEY : i est dominé par j si :
VARIANTE : i est dominé par j si :
Document 3 : Historique du modèle gravitaire
(A) FIN XIXe : LES LOIS DE RAVENSTEIN
(Ravenstein E., 1885 & 1889, "The Laws of
Migration",
Journal of Royal Statist. Society, London)
(B) DEBUT XXe : L'ANALOGIE GRAVITAIRE (PARETO, STEWART)
Sous des formes voisines, plusieurs auteurs proposent de transposer
aux migrations humaines la loi de la gravitation universelle de Newtown
:
Modèle de Newtown
Aij = g . Mi . Mj / Dij 2
|
Modèle de Stewart
Fij = k . Pi . Pj / Dij 2
|
Les auteurs suivants introduisent des modification et proposent plusieurs variantes
Fij = k . (Pi)b1 . (Pj)b2 . (Dij) -a: modèle gravitaire généralisé (Paréto)
Fij = k . (Pi)b1 . (Pj)b2 . exp -a Dij : modèle gravitaire généralisé (exponentiel)
Fij = ai.Oi. bj. Dj. -a Tij : modèle entropique de Wilson
Fij = (Ai+Bj)/Dij : modèle additif de Tobler
(C) FIN XXe : LA REMISE EN CAUSE DE L'ANALOGIE GRAVITAIRE
De nombreux auteurs n'acceptent pas la transposition au comportement humain des lois de la physique et tentent d'expliquer autrement la décroissance des interactions avec la distance :
Document 4 : Reconstruction hypothético-déductive du modèle gravitaire
(A) Description des données
Carte 1 : Organisation administrative de la Tchécoslovaquie en 1989
Tableau 1 : Population des régions de Tchécoslovaquie
en 1989
i | Code | Région | République |
|
1 | BC | Bohême-Centre | Tchèque |
|
2 | BS | Bohême-Sud | Tchèque |
|
3 | BO | Bohême-Ouest | Tchèque |
|
4 | BN | Bohême-Nord | Tchèque |
|
5 | BE | Bohême-Est | Tchèque |
|
6 | MS | Moravie-Sud | Tchèque |
|
7 | MN | Moravie-Nord | Tchèque |
|
8 | SO | Slovaquie-Ouest | Slovaque |
|
9 | SC | Slovaquie-Centre | Slovaque |
|
10 | SE | Slovaquie-Est | Slovaque |
|
Tchécoslovaquie |
|
Tableau 2 : Migrations inter-régionales de population
en Tchécoslovaquie en 1989
vers | ||||||||||||
BC | BS | BO | BN | BE | MS | MN | SO | SC | SE | Total | ||
BC |
2096
|
1792
|
3025
|
2411
|
1110
|
793
|
395
|
284
|
282
|
12188
|
||
BS |
2420
|
756
|
543
|
360
|
853
|
348
|
153
|
91
|
106
|
5630
|
||
BO |
2635
|
1081
|
1312
|
399
|
553
|
369
|
213
|
211
|
146
|
6919
|
||
BN |
4120
|
1073
|
1542
|
1406
|
648
|
535
|
220
|
183
|
292
|
10019
|
||
de | BE |
3530
|
610
|
471
|
1275
|
1210
|
781
|
211
|
141
|
122
|
8351
|
|
MS |
2187
|
1337
|
669
|
702
|
1267
|
2643
|
707
|
338
|
239
|
10089
|
||
MN |
1852
|
593
|
662
|
682
|
1017
|
3143
|
599
|
623
|
370
|
9541
|
||
SO |
668
|
177
|
249
|
225
|
226
|
737
|
559
|
3126
|
732
|
6699
|
||
SC |
524
|
168
|
266
|
251
|
188
|
396
|
801
|
3839
|
1229
|
7662
|
||
SE |
769
|
206
|
292
|
534
|
302
|
444
|
689
|
1567
|
1487
|
6290
|
||
Total |
18705
|
7341
|
6699
|
8549
|
7576
|
9094
|
7518
|
7904
|
6484
|
3518
|
83388
|
Carte 2 : Principaux flux migratoires entre les régions tchécoslovaques en 1989
(B) MODELE 1 : EFFET DES CAPACITES D'EMISSION ET DE RECEPTION
Hypothèse :
Plus une région est peuplée, plus elle peut envoyer de migrants vers les autres régions
Plus une région est peuplée, plus elle peut attirer des migrants venant d'autres régions
MODELE 1 : Fij = k. Pi . Pj avec k = S iS j Fij / S iS j PiPj
Ajustement :
La constante (k) du modèle d'interaction élémentaire est obtenue facilement en divisant la somme des flux par la somme du produit des populations pour l'ensemble des paires de régions. Dans l'exemple tchécoslovaque on trouve :
S iS j Fij = 83388 (nombre de migrants)
S iS j PiPj = 2.17 x 1014 (nombre de paires d'habitants localisés dans des régions différentes)
donc k = 3.84 x 10-10
Analyse des résidus :
Ce premier modèle apparaît peu satisfaisant
et il laisse apparaître des résidus très important.
Si l'on considère par exemple les migrations au départ de
la Bohême-Centre, on constate que notre modèle sous-estime
les migrations de cette région vers les reste de la Bohême
(résidus positifs) et sur-estime les migrations vers la Moravie
et surtout la Slovaquie (résidus négatifs). Ces résidus
traduisent évidemment l'oubli d'un facteur majeur : la distance.
de BC vers … | BS | BO | BN | BE | MS | MN | SO | SC | SE | total |
Flux observé |
2096
|
1792
|
3025
|
2411
|
1110
|
793
|
395
|
284
|
282
|
12188
|
Flux théorique |
626
|
779
|
1067
|
1111
|
1844
|
1766
|
1939
|
1444
|
1343
|
11917
|
Résidu |
1470
|
1013
|
1958
|
1300
|
-734
|
-973
|
-1544
|
-1160
|
-1061
|
271
|
Le MODELE 1 serait vrai si l'intensité des flux (Fij/PiPj)
était constante. Or ce n'est pas le cas : l'intensité
des flux varie en fonction de la distance.
Figure 1: Relation entre intensité des flux et distance
(a) Graphique arithmétique (b) Graphique bi-logarithmique
On remarque que l'intensité des flux est une fonction non-linéaire de la distance. Des tests montrent que le meilleur ajustement est obtenu dans un repère bi-logarithmique ce qui signale l'existence d'une relation de type puissance (dans certains cas, le meilleur ajustement serait obtenu pour un repère semi-logarithmique ce qui indiquerait une relation exponentielle).
(C) MODELE 2 : EFFET DE LA DISTANCE (INTERACTION SPATIALE)
Hypothèse :
Toutes choses égales quant à leurs capacités d'émission ou de réception, les régions proches échangent plus de migrants que les régions éloignées. L'intensité des migrations diminue avec la distance selon une fonction puissance
En effet : log[Fij/(PiPj)] = a.log(Dij) + b (d'après le graphique bi-logarithmique)
ó Fij/ PiPj = exp[a.log(Dij) +b]
ó Fij = exp(b) . Pi . Pj . (Dij)a(on retrouve le modèle gravitaire !)
MODELE 2 : Fij = k. Pi . Pj . (Dij)-aavec k= S iS j Fij / S iS j [Pi . Pj .(Dij)-a]
Ajustement :
On calcule les valeurs de Y = log[Fij/(PiPj)] et de X = log(Dij)
On effectue une régression linéaire Y = -1.31X -14.9 (r2 = 57%)
On en déduit l'équation du MODELE 2 : Fij = 3.34 . 10-7 . Pi . Pj . Dij -1.31
Analyse des résidus :
On déduit de notre équation précédente les flux théoriques F*ij qui devraient être observés si les flux ne dépendaient que de la population des régions et de la distance qui les sépare.
Tableau 3 : Migrations estimées par le modèle
gravitaire
F*ij | BC | BS | BO | BN | BE | MS | MN | SO | SC | SE | Total |
BC |
1389
|
1498
|
3548
|
2344
|
1874
|
1279
|
944
|
560
|
347
|
13782
|
|
BS |
1389
|
366
|
352
|
413
|
668
|
355
|
345
|
179
|
106
|
4172
|
|
BO |
1498
|
366
|
662
|
335
|
407
|
290
|
260
|
154
|
102
|
4075
|
|
BN |
3548
|
352
|
662
|
806
|
649
|
529
|
378
|
241
|
159
|
7327
|
|
BE |
2344
|
413
|
335
|
806
|
1725
|
1396
|
673
|
422
|
243
|
8357
|
|
MS |
1874
|
668
|
407
|
649
|
1725
|
3250
|
2479
|
1120
|
512
|
12685
|
|
MN |
1279
|
355
|
290
|
529
|
1396
|
3250
|
1840
|
1450
|
646
|
11034
|
|
SO |
944
|
345
|
260
|
378
|
673
|
2479
|
1840
|
2415
|
778
|
10112
|
|
SC |
560
|
179
|
154
|
241
|
422
|
1120
|
1450
|
2415
|
1205
|
7747
|
|
SE |
347
|
106
|
102
|
159
|
243
|
512
|
646
|
778
|
1205
|
4097
|
|
Total |
13782
|
4172
|
4075
|
7327
|
8357
|
12685
|
11034
|
10112
|
7747
|
4097
|
83388
|
On peut alors calculer la matrice des résidus du modèle d'interaction spatiale en effectuant la différence entre flux observés et flux théoriques : Rij=Fij-F*ij
Tableau 4 : Résidus des migrations estimées
par le modèle gravitaire
Rij | BC | BS | BO | BN | BE | MS | MN | SO | SC | SE | Total |
BC |
0
|
707
|
294
|
-523
|
67
|
-764
|
-486
|
-549
|
-276
|
-65
|
-1594
|
BS |
1031
|
0
|
390
|
191
|
-53
|
185
|
-7
|
-192
|
-88
|
0
|
1458
|
BO |
1137
|
715
|
0
|
650
|
64
|
146
|
79
|
-47
|
57
|
44
|
2844
|
BN |
572
|
721
|
880
|
0
|
600
|
-1
|
6
|
-158
|
-58
|
133
|
2692
|
BE |
1186
|
197
|
136
|
469
|
0
|
-515
|
-615
|
-462
|
-281
|
-121
|
-6
|
MS |
313
|
669
|
262
|
53
|
-458
|
0
|
-607
|
-1772
|
-782
|
-273
|
-2596
|
MN |
573
|
238
|
372
|
153
|
-379
|
-107
|
0
|
-1241
|
-827
|
-276
|
-1493
|
SO |
-276
|
-168
|
-11
|
-153
|
-447
|
-1742
|
-1281
|
0
|
711
|
-46
|
-3413
|
SC |
-36
|
-11
|
112
|
10
|
-234
|
-724
|
-649
|
1424
|
0
|
24
|
-85
|
SE |
422
|
100
|
190
|
375
|
59
|
-68
|
43
|
789
|
282
|
0
|
2193
|
Total |
4923
|
3169
|
2624
|
1222
|
-781
|
-3591
|
-3516
|
-2208
|
-1263
|
-579
|
0
|
Marges de la matrice des résidus
L'analyse des marges de la matrice des résidus permet de repérer les régions qui ont globalement reçu ou envoyés plus (ou moins) de migrants que ce que laissait prévoir le modèle. On peut en déduire des coefficients de mobilité résiduelle ou d'attractivité résiduelle.
Tableau 5 : Analyse des marges de la matrice des résidus
i |
|
|
|
|
BC |
|
|
|
|
BS |
|
|
|
|
BO |
|
|
|
|
BN |
|
|
|
|
BE |
|
|
|
|
MS |
|
|
|
|
MN |
|
|
|
|
SO |
|
|
|
|
SC |
|
|
|
|
SE |
|
|
|
|
Flux résiduels
L'analyse des flux résiduels proprement dit permet de repérer les régions qui entretiennent des relations préférentielles (résidus positifs) et celles qui sont au contraire séparées par des effets de barrière (résidus négatifs).
Carte des plus forts résidus positifs Carte des plus forts résidus négatifs
Résidus agrégés par républiques
Fij | S | T | Total | Aij | Fij | |
S |
11980
|
8671
|
20651
|
1
|
68791
|
|
T |
5926
|
56811
|
62737
|
0
|
14597
|
|
Total |
17906
|
65482
|
83388
|
Total |
83388
|
|
F*ij | S | T | Total | Aij | F*ij | |
S |
8794
|
13161
|
21955
|
1
|
57065
|
|
T |
13161
|
48271
|
61433
|
0
|
26323
|
|
Total |
21955
|
61433
|
83388
|
Total |
83388
|
|
Fij/F*ij | S | T | Total | Aij | Fij/F*ij | |
S |
1.36
|
0.66
|
0.94
|
1
|
1.21
|
|
T |
0.45
|
1.18
|
1.02
|
0
|
0.55
|
|
Total |
0.82
|
1.07
|
1.00
|
Total |
1.00
|
(D) MODELE 3 : EFFET DE L'APPARTENANCE (INTERACTION TERRITORIALE)
Hypothèse :
Toutes choses égales quand à leurs populations et à
la distance qui les sépare, les régions d'une même
république (Aij=1) échangent plus de migrants que les régions
localisées dans des républiques différentes (Aij=0).
L'accroissement relatif des flux intra-républiques par rapport aux
flux inter-républiques correspond à la valeur de l'effet
de barrière (g )
MODELE 3 : Fij = k. Pi . Pj . (Dij)-a.
gAij
Ajustement :
Conclusion :
En Tchécoslovaquie, les migrations dépendent d'au moins trois facteurs :
Pour plus de détails se reporter aux articles suivants :
Cattan N., Grasland C., 1994, " Migrations et effets de barrière en Tchécoslovaquie " , in Rey V. (ed.), La Tchécoslovaquie en 1992 : transition, fragmentation, recomposition, Presses de l'ENS Fontenay-Saint-Cloud, coll. Sociétés, Espaces, Temps, 97-120
Grasland C., 1994, " Limites politiques et barrières migratoires : l'exemple de l'ex-Tchécoslovaquie (1965-1989) ", in Galluser W. (ed.), Political Boundaries and Coexistence, IGU Symposium, Basle, May 1994, 425-440
Document 5 : Les trois hypothèses fondamentales pour comprendre et modéliser les flux
Document
6 : La loi de Reilly et ses variantes
(A) Formulation initiale de la loi de Reilly
Pour Reilly, la force d'attraction exercée par une ville j sur un lieu i est proportionnelle à sa taille (Mj) et inversement proportionnelle au carré de la distance (Dij) qui sépare i et j.
Application : Les habitants d'Arras seront-ils davantage attirés par Paris (10 millions d'habitant , 150 km) ou par Lille (1 millions d'habitants, 50 km) ?
A Arras -> Paris = 10 000 000 / (150)2 = 444
A Arras -> Lille = 1 000 000 / (50)2 = 400
On en conclue que l'attraction de Paris sur Arras est plus forte que celle de Lille.
Reilly montre ensuite que l'on peut déduire de sa formule le point d'équilibre O entre les aires d'influences de deux villes a et b situées à une distance Dab, et de tailles respectives Ma et Mb :
Application : la distance entre Paris (a) et Lille (b) étant de 200 km, on peut montrer que le point d'équilibre entre leurs aires d'influences se situe à 200 / (1+Ö 0.1) = 152 km de Paris. On peut aussi le démontrer graphiquement en calculant les courbes décrivant les forces d'attraction respectives de Lille et Paris :
Plusieurs auteurs ont critiqué le caractère déterministe de la loi de Reilly qui suppose que les consommateurs sont des homo economicus pleinement informés et rationnels. Plutôt que de correspondre à des lignes précises, les limites des aires d'influences doivent correspondre à des zones de transition plus ou moins floues. HUFF qui travaillait sur l'attraction des centres commerciaux a proposé une formulation probabiliste de la loi de Reilly qui permet de modéliser la part de marché que détiennent théoriquement différents centres concurrents en chaque point d'un territoire donné. Le problème de Huff peut se formuler ainsi :
Le problème de Huff :
Soit un ensemble de k centres concurrents 1..j..k de masses respectives M1..Mj…Mk
Soit un consommateur localisé en un point i situé à des distances D1i ..Dij …Dik de ces centres.
Quelle est la probabilité pij pour le consommateur localisé en i de fréquenter le centre j ?
Quatre centres urbains desservent une région de Transvodkavie.
Quelles sont leurs aires d'influence respectives ?
Centre |
|
Localisation
|
|
|
X
|
Y
|
|
Triffouilly |
|
2.5
|
2.5
|
Klug |
|
4.5
|
6.5
|
Dhoubi |
|
12.5
|
2.5
|
Tchou |
|
12.5
|
8.5
|
L'application de la loi de Huff permet de répondre à la question et de repérer les zones exclusives (où un centre domine) et les zones d'indifférence (où une publicité bien ciblée permettra d'attirer de nouveaux clients).
Document 7 : Le potentiel de population de Stewart
D'un point de vue économique, le problème posé par Stewart est plus ou moins l'inverse de celui de Reilly. Au lieu de déterminer les aires de marché en fonction de la localisation des centres (modélisation de l'offre), on va chercher à déterminer la localisation optimale des centres en fonction de la localisation des consommateurs (modélisation de la demande).
Exemple : On souhaite installer un café en A ou en B. On suppose qu'il n'y a pas de concurrence mais que les habitants hésitent à faire de longs déplacements. Quelle localisation attirera le plus de clients ?
Population en fonction de la distance
Distance | Population | Population cumulée | ||
|
|
|
|
|
[0 ; 10[ |
|
|
|
|
[10 ; 20 [ |
|
|
|
|
[20 ; 30[ |
|
|
|
|
[30 ; 40 [ |
|
|
|
|
Tout le problème du choix tourne autour de la portée des déplacements que les personnes sont disposées à franchir : En A il y a moins d'habitants mais ils sont proches, tandis qu'en B il y a plus d'habitants mais ils sont plus éloignés. Si les habitants sont peu mobiles il vaut mieux s'installer en A, sinon il faut s'installer en B.
Si l'on admet que les déplacements obéissent au règle de l'interaction spatiale, ils doivent décroître en fonction de la distance. On pourra donc estimer le potentiel d'un lieu en effectuant la somme des populations divisées par la distance :
Exemple : on assimile chaque classe de distance à son centre [0; 10[ = 5 ; [10;20[ = 15 ; etc. et on calcule :
Potentiel de A = (3000/5 ) + (3000/15) + (1000/25) + (3000/35) = 925.7
Potentiel de B = (1000/5) + (2000/15) +(4000/25) + (11000/35) = 807.6
Donc, si l'on suit les hypothèses de Stewart, il vaut mieux s'installer en A car le potentiel y est plus fort.
Toutefois, rien ne prouve que la décroissance des relations avec la distance suive une loi du type 1/Dij et l'on peut proposer une formule plus générale que celle de Stewart :
ou f est une fonction quelconque de la distance ( de type puissance, exponentielle, etc.)
Document 8 : Exemples d'application du potentiel de population
Source : C. Grasland, 1999, Seven proposals for the construction
of geographical position indexes, Study Program on European Spatial Planning,
Working
Paper from SDEC-France, 30 p.
Dans cette étude réalisée pour le compte de l'Union Européenne, on a tenté d'examiner les changements de la configuration du potentiel de population en Europe en fonction de deux hypothèses :