AGREGATION DE GEOGRAPHIE
Préparation à l'épreuve écrite de commentaire de documents

Claude Grasland
Université Paris VII / UFR GHSS / 2002

A PROPOS DE LA NOUVELLE EPREUVE ...

La mise en place de la nouvelle épreuve écrite de commentaire de documents constitue une bonne nouvelle pour les géographes français, même si elle peut légitimement susciter des inquiétudes auprès des candidats qui, en l'absence de précédents, se demandent quelle sera la forme de l'épreuve et comment ils vont s'y préparer. Les membres du jury ne peuvent pas se contenter d'affirmer qu'il s'agit d'une épreuve de culture générale ne nécessitant aucune préparation particulière des candidats. Même s'il est vrai qu'on ne peut acquérir une culture générale de géographie en un an, il est possible de se préparer sérieusement à la nouvelle épreuve de commentaire de documents en apprenant à mobiliser au mieux les savoirs antérieurs (concepts fondamentaux de la géographie).
 
 

A. LA FIN DU MONOPOLE DE LA DISSERTATION

Même si elle demeure un exercice très formateur pour de futurs enseignants ou chercheurs, la dissertation ne pouvait demeurer éternellement l'unique moyen de mesurer la capacité des candidats à structurer et ordonner leur réflexion sur un problème donné. On peut même dire que le monopole de la dissertation était devenu une source d'injustice entre les candidats dans la mesure où, à connaissances égales, elle accordait une prime systématique de 1 ou 2 points aux étudiants de classes préparatoires dont la formation initiale avait privilégié les techniques d'expression littéraire aux dépens des autres formes de mise en forme du savoir géographique (cartographie, analyse statistique, étude de textes ou d'images, bibliographie, dossier...).

Il est certes désolant de constater que certains étudiants soient incapables au bout de trois années d'université de bâtir un exposé raisonné fondé sur une problématique et un plan, mais il est tout aussi scandaleux  de voir arriver en licence ou maîtrise des étudiants de classes préparatoires incapables de construire une carte utilisant une sémiologie graphique correcte et ignorant la signification des mots "médiane" ou "interaction".

L'agrégation n'a pas à s'adapter aux exigences trop pointues qui ont présidé jusqu'ici au recrutement des normaliens, elle doit au contraire inciter les classes préparatoires et les ENS à modifier des habitudes trop confortables, qui sont en décalage complet avec les besoins de l'enseignement contemporain de la géographie.
 

B. COMMENTAIRE DE DOCUMENTS ET GEOGRAPHIE GENERALE

L'attitude ambiguë du jury d'agrégation vis à vis de la nouvelle épreuve écrite de commentaire de documents ne fait sans doute que refléter la difficulté qu'éprouvent encore beaucoup de géographes à penser l'existence de l'unité de leur discipline. Les vieux tiroirs ("géographie physique", "géographie humaine", "géographie régionale") ont encore la vie dure, même si pour les remettre au goût du jour on les pare de nouvelles étiquettes ("géographie des territoires", "géographie des milieux", "géographie thématique").

Il n'en demeure pas moins que l'idée qui semble avoir présidé à la création de la nouvelle épreuve écrite semble moins être la mobilisation de savoirs "techniques" que la réhabilitation de ce que l'on peut appeler la GEOGRAPHIE GENERALE.

Si le jury avait voulu tester l'acquisition des savoirs techniques utiles à la pratique de la géographie, il aurait du faire face à des problèmes pratiques insolubles (disponibilité au moment de l'épreuve d'ordinateurs, de logiciels, de connexion à internet, ...) et aurait été de toute manière amené à faire des choix délicats sur le plan épistémologique puisque, en dehors de la cartographie, la plupart des savoirs techniques sont étroitements liés à certaines postures épistémologiques (e.g. contestation de l'utilité de la statistique par les tenants d'une approche post-moderne) ou à certains domaines précis d'application (e.g. télédétection, morphométrie). On peut ajouter que des techniques particulièrement utiles telles que l'étude de terrain ou la mise en place d'une enquête ne peuvent de toute manière pas facilement s'inscrire dans le cadre d'une épreuve académique de type agrégation.

L'hypothèse la plus probable (elle expliquerait l'attitude réservée du jury face aux demandes précises des formateurs sur le contenu de l'épreuve) serait donc que l'on veut tester à travers cette épreuve la capacité des candidats à mener un raisonnement géographique indépendant d'un domaine précis d'application, ce qui postule bel et bien l'existence d'une géographie générale, fondée sur un ensemble de concepts et d'outils applicables à toutes les "branches" particulières de la géographie.
 

C. COMMENT SE PREPARER EFICACEMENT ?

Si notre hypothèse est exacte (à vrai dire, on ne le saura qu'à l'issue de la première épreuve), les candidats qui recevront les meilleures notes à l'épreuve écrite de commentaire de documents seront ceux qui auront été capables non pas d'accumuler le plus de connaissances possibles dans un sous-champ précis de la géographie (les trois options peuvent donner une impression trompeuse de sécurité) mais plutôt de repérer les mécanismes fondamentaux du raisonnement géographique et d'être à même de les mettre en pratique sur un problème quelconque relevant de leur compétence.

Il ne s'agirait donc ni d'apprendre par coeur tous les manuels spécialisés (Climatologie, Géographie économique, Aménagement, ...), ni de se focaliser sur la connaissance des outils techniques (statistique, cartographie, croquis régional, analyse de texte ...) mais plutôt de se centrer sur l'acquisition des concepts centraux de la géographie (diffusion, interaction, différenciation, hiérarchie, ...) et d'apprendre à les mobiliser lorsque l'on se trouve confronté à un ensemble documentaire précis.

Par certains côtés, l'esprit de cette épreuve ne serait pas très différent de celui du commentaire de carte topographique et géologique au 1/50 000e où, lorsque la règle du jeu était respectée (mais elle ne l'était pas toujours ...), on ne pouvait exiger du candidat d'importer dans son commentaire des connaissances factuelles extérieures aux informations issues du déchiffrage des signes disponibles sur les cartes. Le candidat devait certes connaître les grands modèles d'organisation de l'espace tant sur le plan physique (formes structurales) que sur le plan humain (structures agraires, organisation urbaine), mais il n'était pas censé savoir que tel vignoble précis présent sur une carte était issu de tel cépage ou que telle forêt avait été plantée par Vauban au XVIIIe siècle pour assurer l'avenir de la marine française ...

Cela ne signifie pas pour autant que la préparation de l'épreuve de commentaire de documents implique l'abandon de toute acquisition de connaissances factuelles. On est en effet en droit d'attendre des agrégatifs la connaissance d'un certain nombre de répartitions ou d'ordres de grandeur. Mais si l'épreuve est bien conçue, elle doit absoluement éviter que les exigences en la matière dépassent le raisonnable. Un candidat à l'agrégation doit évidemment savoir que l'Allemagne est plus peuplée que la France ou que la richesse par habitant de la Tunisie est supérieure à celle de la Mauritanie. Mais il n'est certes pas utile qu'il connaisse par coeur les valeurs précises de ces différents indicateurs.

D. OBJECTIF DES MODULES PROPOSES

Les modules de préparation à l'épreuve de commentaire de document que nous proposons constituent une partie des enseignements dispensés dans le cadre de la préparation commune à l'agrégation de géographie dispensée par les universités Paris 1, Paris 4 et Paris 7.

Ces modules sont centrés plus spécifiquement sur l'étude analytique des tableaux, des graphiques et des cartes, même si cette étude analytique ne constitue qu'une première étape dans la construction d'un commentaire de documents qui doit avant tout fonder une synthèse appuyée sur des concepts et un raisonnement. D'autres enseignants dispensent des modules plus centrés sur l'analyse des textes ou des images, ainsi que sur l'étude de documents particuliers.

Nous avons choisi de publier autant que possible ces modules de préparation sur internet, afin que les candidats à l'agrégation isolés puissent également en bénéficier s'ils pensent pouvoir y trouver une utilité. Ayant milité pour la réforme de l'agrégation de géographie , nous ne souhaitons pas que les bénéfices de cette réforme soient confisqués par les seuls étudiants localisés en région parisienne et nous n'avons d'ailleurs aucun patriotisme local s'agissant d'un concours de recrutement à visée nationale.

Ce choix de mise à disposition des modules de formation soulève toutefois un certain nombre de difficultés pratiques, notamment en raison de l'interdiction de mettre à disposition sur internet des photocopies d'ouvrages protégés par copyright. Nous avons donc, autant que faire se peut, recouru à des exemples de commentaire de documents tiré de nos propres travaux ou à des documents libres de droit, et nous avons indiqué lorsque celà était nécessaire les références précises des documents que nous ne pouvions pas mettre en ligne.

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