On considère une ressource R localisé sur un certain espace E en un certain nombre de sites 1..i..n tel que la quantité de ressource disponible sur chaque site soit égale à R1..Rn. On notera Rtot la somme des ressources disponibles à l'intérieur du système et r1..rn la proportion de ressource localisée sur chacun des sites (quel que soit i, ri = Ri/Rtot).On considère sur le même espace E une population P localisé en un certain nombre de positions 1..j..m , non nécessairement identiques aux sites précédemment définis. La quantité de population localisée sur chaque position est égale à P1..Pn. On notera Ptot la somme des populations localisées à l'intérieur du système et p1..pn la proportion de la population totale occupant chacune des positions (quel que soit j, pj = Pj/Ptot).
On définit enfin sur PxR une distance d, qui à tout couple de site et de position associe une mesure positive d'éloignement comprise entre 0 et l'infini (quels que soit i=1..n et j=1..m, il existe une distance dij, positive, définissant l'éloignement du site i et de la position j).
Les termes d'espace, de ressource, de population et de distance sont pris ici dans un sens très général, leur nature et leur propriétés mathématiques pouvant être quelconques. Le fait, par exemple, que les variables définissant la population et la ressource soient identiques (R=P et n=m) et que la distance soit une fonction des attributs de position spatiale ou territoriale des populations constitue un cas particulier des mesure de l'accessibilité qui renvoit aux concepts de concentration spatiale ou territoriale définis au chapitre précédent. D'une manière générale on parlera d'accessibilité interne lorsque population et ressource sont confondus et d'accessibilité externe lorsque les deux ensembles sont disjoints. Un cas particulier, intermédiaire entre les deux précédents est celui où la ressource R est constituée d'une sous-population issue de la population P. Ce problème spécifique de l'accessibilité sectorielle sera traité dans le cadre des chapitre consacré à l'analyse des mesures d'hétérogénéité et d'intégration.
A chacun des n.m couples populations ressource notés (i,j)
on peut associé une distance dij et un volume
maximum d'interactions Nij égal au produit (Ri.Pj)
de la population concernée et de la ressource concernée par
la relation. La somme des interactions possibles étant égale
à Ntot= Rtot.Ptot
on peut également définit un volume relatif d'interaction
nij = Nij /Ntot = ri.pj
qui exprime la part du couple population-ressource (i,j) dans l'ensemble
des interactions possibles à l'intérieur du système
étudié.
On peut alors établir la courbe d'accessibilité générale n(d) du système étudié qui exprime la part des relations entre la population P et la ressource R pouvant s'effectuer à une distance inférieure ou égale à d à l'intérieur du système E.
La dérivée de la courbe d'accessibilité générale n'(d), exprime quant à elle la densité de probabilité qu'une population et une ressource soit éloignée d'une distance voisine de d c'est-à-dire la fréquence des différentes distances entre population et ressource, pondérées par leurs poids respectifs.
Enfin, l'inverse de la courbe d'accessibilité générale d(n) exprime la distance d telle qu'une part des interactions égale à n se constituent entre des ressources et des populations localisées à une distance inférieure ou égale à d.
Toutes ces courbes formellement équivalentes résument l'ensemble de la distribution des proximités entre les individus et les ressources et peuvent être résumées à l'aide d'indicateurs mesurant l'accessibilité globale à l'intérieur du système étudié.
Le propre des indicateurs d'accessibilité est de résumer la distribution des distances population-ressource sans hypothèses particulières sur l'effet que peut avoir la distance sur la constitution des relations. Ils peuvent être exprimés indifféremment sous la forme d'une distance de référence (exprimée dans l'unité de mesure de d) ou sous la forme d'un indice d'hétérogénéité des distances exprimé à l'aide d'un nombre sans dimension.
Les indicateurs du premier type sont l'ensemble des résumés statistiques de la distribution des interactions en fonction de la distance tels que :
dmin : distance minimum
dmax : distance maximum
dmoy : distance moyenne
dmod : distance modale
dmed : distance médiane
da% : quantile quelconque de la distribution des interactions
en fonction de la distance
Les indicateurs du second type sont le plus souvent des indicateurs de dispersion relative des distances effectuant le rapport entre une mesure de dispersion absolue des distances (étendue, écart-type, intervalle interquartile, etc.) et une distance de référence. Soit par exemple :
CV(d) = dmoy / ectype(d)
: coefficient de variation de la distribution des distances
IIQ(d) = (d75% - d25% ) / d50%
: intervalle interquartile relatif de la distribution des distances
D'autres indicateurs pourraient également être construit en calculant les moments centrés d'ordre k de la distribution des distances afin de mesurer l'aplatissement ou la dissymétrie de la distribution des distances par rapport à une distribution de référence, gaussienne ou non.
L'essentiel est de ne pas perdre de vue la signification des mesures ainsi construites et l'utilisation qui doit en être faite, par exemple dans le cadre de la comparaison d'un système à différentes dates, d'un même système décrit par plusieurs couples population-ressource, de plusieurs systèmes décrits par le même couple population-ressource, etc.
Notons enfin que d'autres résumés de la courbe d'accessibilité générale sont possibles, notamment ceux qui ont trait à la quantité de relations qui peuvent s'établir en fonction de la distance au cours d'un certain intervalle de temps, mais ils supposent l'introduction d'une hypothèse explicite sur la forme de l'interaction spatiale (décroissance des opportunités ou des probabilités de relation avec la distance) et ils impliquent des hypothèses plus complexes relevant du concept de potentiel qui sera développé au chapitre suivant.
En résumé, les indicateurs d'accessibilité globale
sont des mesures statiques décrivant la forme (l'état) d'un
système à un instant donné mais ne s'intéressant
pas directement aux relations effectives qui pourraient se nouer entre
population et ressource.
Pour un site i donné, la courbe d'accessibilité locale pi(d) indique la proportion de la population P localisée à l'intérieur de l'espace de référence qui est située à une distance inférieure ou égale à d de ce site. La dérivée de la courbe d'accessibilité locale p'i(d) indique naturellement la densité de probabilité de trouver une certaine proportion de la population P à une distance d de la position i et la fonction réciproque de la courbe d'accessibilité locale di(p) indique quant à elle le rayon minimum à tracer autour du site i pour cumuler une quantité de population égale à une proportion p de l'ensemble de la population du système étudié.
Ces courbes d'accessibilité locale peuvent être comparée
à la courbe d'accessibilité générale qui n'en
est que la moyenne pondérée par l'effectif Ri
de
chaque site. En prenant la courbe d'accessibilité générale
comme référence, on peut alors définir des styles
d'accessibilité locale en examinant si la courbe d'accessibilité
locale est située au dessus ou au dessous de la courbe d'accessibilité
locale et en déterminant si elle présente des points d'intersection
avec celle-ci. Soit par exemple une typologie du type suivant :
On peut combiner l'approche qualitative des styles d'accessibilité
avec une approche quantitative visant à résumer la
courbe d'accessibilité locale à l'aide d'un indicateur unique
qui pourra être comparé à des indicateurs équivalents
établis pour l'ensemble du système. On pourra comme on l'avait
fait précédemment calculer des indicateurs d'accessibilité
locale moyenne, médiane, modale, minimum, maximum, ... qui résument
la distribution des distances entre le site i et l'ensemble de la
population du système.
En tout état de cause, et quel que soit l'indicateur d'accessibilité
locale retenue il pourra être standardisé et
transformé en indicateur d'accessibilité locale relative
si on le relativise par la valeur du même indicateur calculée
sur la courbe d'accessibilité globale. Si l'indicateur d'accessibilité
locale est une distance-type (Cf supra) on effectuera généralement
le ratio entre l'indicateur global et l'indicateur local afin que les valeurs
de l'indice croissent quand la distance-type diminue, ce qui correspond
à l'intuition la plus courante de la notion d'accessibilité.
D'autres auteurs utilisent le rapport entre la somme des distances population-ressource
dans l'ensemble du système et la somme des distances d'une position
particulière à l'ensemble des ressources ce qui définit
un indice d'accessibilité locale relative compris entre 0 et 1.
Il s'agit en réalité du même indice à une constante
près.
Il existe toutefois une différence conceptuelle importante entre
sites et positions dès lors que l'on suppose l'existence d'une dissymétrie
dans la mobilité des populations et des ressources au cours du processus
de mise en relation. Si l'on considère par exemple que les ressources
R
ont une localisation fixe dans l'espace E et que les populations
P
se déplacent pour accéder à celle-ci, alors il est
préférable d'employer deux termes différents pour
décrire la distance d'une population par rapport à un ensemble
de ressource et la distance d'une ressource par rapport à l'ensemble
d'une population. Pour lever l'ambigïté, nous suggérons
de parler d'accessibilité-destination dans le premier cas
et d'accessibilité-origine dans le second. Il serait tentant
d'utiliser le terme de centralité pour désigner le
premier type d'accessibilité, mais ce serait sans doute affaiblir
un concept de portée plus générale. Dans le cas des
villes, par exemple, la réduction de la centralité à
l'attraction-destination reviendrait à privilégier les facteurs
économiques (concentration locale de ressource) sur les facteurs
sociaux (concentration locale de population). Il semble plus intéressant
de considérer la centralité comme une somme de facteurs
d'accessibilité-origine et d'accessibilité-destination définis
pour un ensemble de critères.
Remarquons à cet égard que choix de l'indicateur le plus
pertinent pour résumer une courbe d'accessibilité-origine
et une courbe d'accessibilité-destination n'est pas forcément
le même. Il dépend de la nature du phénomène
étudié et des hypothèses émises sur les relations
qui peuvent s'établir entre la population et la ressource. Si l'on
prend l'exemple d'un service public tel que la poste, l'indicateur le plus
pertinent pour décrire les positions occupées par les habitants
(accessibilité origine) est la distance minimum au bureau
de poste le plus proche (en admettant que tous les bureaux de postes fournissent
les même prestations). Si l'on s'intéresse au contraire à
la description des sites occupés par un bureau de poste (accessibilité
destination), l'intérêt se portera plutôt sur une mesure
telle que la distance permettant de cumuler une population compatible avec
la capacité d'accueil du bureau de poste ou la distance moyenne,
médiane ou maximum du bureau de poste à l'ensemble
des habitants s'il est en situation de monopole.
A titre d'exemple, nous allons présenter quelques extraits
d'une étude réalisée par C. Grasland et N. Cattan
(1997) sur l'accessibilité routière des villes moyennes en
France en nous limitant à la partie relative à l'accessibilité
inter-urbaine (distance routière des villes les unes par rapport
aux autres) c'est-à-dire en nous limitant à deux critères
: le nombre de villes et la population urbaine que l'on peut atteindre
par la route à partir d'une ville donnée.
Par rapport au cadre formel défini précédemment, nous avons donc les définition suivantes :
E : l'espace de référence est la France
P : la population est composée des 231 villes de plus
de 20 000 habitants (P1) ou des habitants de ces 231
villes de plus de 20 000 habitants (P2).
R : la ressource est composée des 4 villes moyennes étudiées
(Beaune, Dreux, Gap, Hazebrouck) qui constituent autant de sites potentiels
d'installation pour une entreprise ou un service public.
d : la mesure d'éloignement entre la population et les
ressources est la distance routière exprimée en temps moyen
de relation.
L'objectif est de comparer l'avantage qu'aurait une entreprise ou un
service public à s'implanter dans l'un ou l'autre des quatre sites
possibles en fonction de la population qu'elle entend desservir ou attirer.
Il est évident que le choix du critère de pondération
de la population dépend de la nature de l'entreprise ou du service
public.
1) Etablissement de la courbe d'accessibilité routière d'une ville à l'ensemble des autres villes et de leur population
Considérons par exemple la ville de Beaune. Après avoir établi une carte de l'accessibilité routière de Beaune à l'ensemble du territoire français, on peut déterminer pour chacune des 231 ville de plus de 20000 habitants la distance routière qui la sépare de Beaune et classer ces distances par ordre croissant. On affecte ensuite à chaque ville un poids qui sera soit égal (chaque ville est considérée comme une ressource équivalente), soit proportionnel à sa population (les ressources offertes par une ville sont proportionnelles à leur population). D'autres critères auraient pu être utilisés tels que la puissance économique de la ville, son nombre d'emploi, son volume de services, etc. mais on se limitera dans le cadre de cet exemple aux deux plus simples.
Après avoir exprimé le poids de chaque ville en fréquence du total (nombre de villes de plus de 20 000 habitants ou population urbaine localisée dans des villes de plus de 20 000 habitants en France), on peut établir deux courbes cumulatives des ressources en fonction de la distance routière à Beaune. A titre comparatif, on pourrait ajouter une courbe de référence qui serait (par exemple) l'accessibilité moyenne par la route de deux points quelconques du territoires français ou la fréquence des distances entre deux villes de plus de 20 000 habitants ou de deux habitants localisés dans des villes de plus de 20 000 habitants.
Ces courbes permettent d'établir toute une série de mesures sur l'accessibilité de Beaune exprimées soit en terme de distance (e.g. 50% des villes françaises de plus de 20 000 habitants peuvent être atteinte depuis Beaune en moins de 4h20 et 50% de la population des villes de moins de 20 000 habitants en moins de 3h30), soit en terme de volumes de relation pour un seuil de distance fixé (e.g. en 3 heures de route, onpeut rejoindre depuis Beaune 25% des villes de plus de 20 000 habitants et 15% de la population des villes de plus de 20 000 habitants).
Elles n'ont cependant qu'un intérêt monographiques si elles ne sont pas ensuites mobilisées pour établir des comparaisons avec d'autres villes de même taille ou avec l'ensemble du système urbain français.
2) Comparaison des courbe d'accessibilité routière de plusieurs villes moyennes
La comparaison des courbes d'accessibilité locale de quatre villes moyennes (Beaune, Dreux, Gap et Hazebrouck) permet de montrer l'avantage qu'il peut y avoir à ne pas limiter l'étude de l'accessibilité à la comparaison d'indicateurs uniques qui sont toujours des résumés très imparfaits de l'information contenue dans les courbes d'accessibilité locale.
A titre de jeu pédagogique, on peut demander aux étudiants
de former quatre groupes correspondant à chacune des villes et de
proposer des arguments de localisation à un investisseur désireux
de s'établir dans l'une de ces villes. Le but du jeu est évidemment
pour chaque groupe de trouver des arguments en faveur de sa ville qui l'avantage
par rapport à tout ou partie des autres. A l'exception de Gap ,
il est toujours possible de trouver pour chaque ville un critère
d'accessibilité où elle a l'avantage sur les trois autres.
La seconde étape du jeu consiste, au vu des avantages spécifiques
de sa ville, à imaginer quels investisseurs seraient potentiellement
intéressés par les arguments de localisation proposés.
Il est en effet évident qu'une bonne accessibilité à
l'ensemble des villes n'a pas le même intérêt qu'une
bonne accessibilité à l'ensemble de la population française
ou qu'une bonne accessibilité à courte distance n'intéressera
pas les mêmes investisseurs qu'une bonne accessibilité à
moyenne ou longue distance ...
Le résultat central auquel nous avons abouti est le suivant : toute mesure d'accessibilité globale ou locale peut être considéré comme un résumé d'une courbe fondamentale exprimant le cumul en fonction de la distance des interactions possibles entre une population et une ressource localisées à l'intérieur d'un espace muni de cette distance. Les mesures d'accessibilité sont des résumés statiques de l'état du système des relations possibles à un instant donné dans la mesure où elles n'incluent aucune hypothèse particulière sur l'effet que peut avoir la distance considérée sur l'établissement de relations entre la population et la ressource (ceci relevant des modèles de potentiel) ou sur les phénomènes de saturation, de régulation ou de susbstitution qui peuvent se produire au cours de la mise en place de ces relations (ceci relevant des modèles d'interaction).
En ne spécifiant pas a priori la nature géographique, économique, sociologique de l'espace étudié, ainsi que de la population, des ressources et de la distance qui servent à définir l'accessibilité, on se place dans un cadre très abstrait qui demande à être précisé (implémenté) lorsque l'on souhaite traiter d'un problème précis, mais qui permet de repérer de nombreuses analogies entre les méthodes employées par chaque discipline pour traiter des questions d'accessibilité. Nous allons essayer de montrer à l'aide de quelques exemples que de telles analogies peuvent se révéler fructueuses et permettre un certain nombre de transferts d'une discipline à l'autre.